Perte de confiance, angoisse ou encore harcèlement : de l’autre côté du tableau, les principaux concernés partagent les inquiétudes de leurs professeurs, notamment au sein des collèges de l’éducation prioritaire. Car cette réforme a un prix social. « Pour financer les heures hebdomadaires nécessaires par établissement à la mise en place des groupes de niveau, le rectorat de Lyon a décidé de ponctionner les dotations horaires globales des collèges REP et REP+ pour les redistribuer à l’ensemble des autres établissements », indique un communiqué de presse du collectif des professeurs en lutte contre la réforme et contre la casse de l’éducation prioritaire dans le Rhône. Concrètement, au collège Lagrange, il n’y aura plus de demi-groupes de physique-chimie en 2024, ni de groupe d’anglais renforcé. Idem au collège Georges-Brassens (Décines-Charpieu) et dans d’autres établissements REP et REP+. « Je vais perdre des heures de demi-groupe », confie Lucie Lambert, professeure d’anglais au collège Brassens depuis 17 ans. « On nous impose des missions supplémentaires qui alourdissent notre charge de travail. On ne peut pas toujours travailler plus avec un salaire équivalent. Sans compter qu’il y a de moins en moins de personnel formé, et que nos effectifs par classe demeurent les plus chargés d’Europe. À un moment donné, les contenus de nos cours risquent de s’appauvrir. Au détriment des élèves, les citoyens de demain. » En plus de classer les élèves, l’État classe les matières au regard de valeurs républicaines. « On se dirige vers la fin du collège unique », dénonce Lucie Lambert. « C’est le fameux retour aux “fondamentaux”. Une vision assez populiste. L’uniforme, la diminution des projets culturels et des sorties… Je ne partage pas cette vision de l’éducation, je vois l’école comme une ouverture. » C’est ainsi, en effet, que le ministère de l’Éducation nationale entend « restaurer l’ordre scolaire ». À cela s’ajoute l’annonce d’un brevet des collèges plus difficile et obligatoire pour le passage en seconde, privant l’accès au lycée à de nombreux élèves et aggravant le décrochage scolaire et social. « Il est prévu de créer des classes de remise à niveau entre le collège et le lycée, mais nous n’avons pas d’information précise à ce jour », avance Pierre Delivet. Nous n’avons pu joindre Olivier Dugrip, recteur de l’académie de Lyon, pour recueillir sa parole à ce sujet. La réforme du Choc des savoirs, anxiogène pour les élèves comme pour leurs professeurs, s’inscrit dans un contexte de désengagement de l’État dans le service public. Avec près de 700 millions d’euros supprimés à l’Éducation nationale, les enseignants se mobilisent et s’épuisent. Depuis février 2024, les grèves se succèdent dans les établissements de l’académie lyonnaise, avec des taux records sur certaines journées – 80, 95 voire 100% de grévistes aux collèges Paul-Éluard (Vénissieux), Henri-Barbusse (Vaulx-en-Velin), Maria-Casarès (Rillieux) ou encore Simone-Lagrange (Villeurbanne). Notons également une implication de certains parents qui soutiennent les équipes enseignantes à l’occasion d’actions intitulées « Collège mort » ou « Collège désert ». Une action visant à interpeller le gouvernement. « Au collège Les Iris à Villeurbanne, les parents ont répondu présents le 11 mars et n’ont pas mis leurs enfants au collège : sur les 500 élèves scolarisés, une trentaine seulement étaient là », rapporte Danh Huyn, parent d’élèves et président du conseil local de la FCPE, qui pointe lui aussi une « fracture dans l’éducation nationale ». Anaïs Viand ¹ Programme international pour le suivi des acquis des élèves, dont l’objectif est de comparer les performances des élèves issus d’environnements d’apprentissage différents pour comprendre ce qui les prépare au mieux à leur vie d’adulte.

Catégorie : Education

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