
Sur la table des négociations depuis une quinzaine d’années, le RER à la lyonnaise semble enfin bénéficier d’une réelle volonté politique, autant à la Région qu’à la Métropole, malgré les antagonismes politiques. Mais les difficultés techniques à surmonter restent nombreuses et les travaux ne devraient pas déboucher avant, à nouveau, une quinzaine d’années. Une enquête de Julia Blachon, illustrée par Jibé.
« Aujourd’hui, il y a un alignement des planètes qui me laisse croire à la création du futur réseau express régional », confie fièrement Christophe Geourjon, conseiller régional (UDI). Un projet qui ne date pourtant pas d’hier, puisqu’il avait été initié voici une quinzaine d’années par Jean-Jack Queyranne, alors président (PS) du Conseil régional de Rhône-Alpes. Le débat autour d’une « tarification unique » pour l’ensemble des transports en commun, cependant, avait été l’une des pierres d’achoppement dans ce dossier, divisant Bernard Rivalta, président du Sytral (Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise), et Bernard Soulage, alors en charge des transports au Conseil régional. À l’époque, Bernard Rivalta avait plusieurs fois exprimé son mécontentement contre le financement de la nouvelle carte à tarif unique, à l’image de la carte Oùra.
Lors de l’élection de Laurent Wauquiez (LR) à la tête de la Région en 2015, le projet du RER métropolitain aurait été complétement « délaissé par la Région pour des raisons politiques, économiques et financières », selon l’ancien président socialiste du Conseil régional. Un ressenti désormais partagé par Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole aux déplacements, à l’intermodalité et à la logistique urbaine, qui regrette une « absence de volonté politique » freinant la construction du RER lyonnais. « Cette vision est en train de changer », nuance-t-il. « Depuis l’année dernière, de plus en plus d’associations et de collectifs sont montés au créneau pour demander la construction d’un RER. Avec l’engorgement de la gare de la Part-Dieu et à l’heure où la voiture est exclue des villes, on observe une volonté puissante de la part de l’ensemble des partis politiques d’améliorer le transport ferroviaire et de trouver une alternative forte à la voiture. »
L’ensemble des acteurs, dont la Région, la Métropole, l’État et la SNCF Réseau, semblent en e…
ffet s’accorder sur l’idée d’un décongestionnement de la métropole lyonnaise. Frédéric Aguilera, vice-président (LR) aux transports à la Région et maire de Vichy, confirme l’existence d’une
« vraie volonté de l’ensemble des acteurs d’avancer main dans la main ».
Cet étonnant consensus, après des années de débats, s’explique aussi par l’augmentation de la distance domicile-lieu de travail, qui peut atteindre 60 km, contre seulement 5 ou 6 km dans les années 70-80, selon Christophe Geourjon qui s’appuie sur une conférence de Jean Coldefy, spécialiste des questions de mobilité et directeur du programme mobilité 3.0 d’atec Its France. Mais aussi « par la saturation des TER aux heures de pointe. Aujourd’hui, on a une vision multimodale des déplacements ; c’était moins le cas il y a 15 ou 20 ans, lorsque le modèle se basait sur la voiture uniquement. »
« On parle de centaines de millions d’euros, il faut que nous discutions encore du mode de financement avec les acteurs du dossier »
Pour les habitants d’Auvergne-Rhône-Alpes, l’enjeu d’un RER est de taille, puisqu’il vise à augmenter considérablement la fréquence des trains sur une amplitude horaire plus large. « L’idée serait d’avoir un train pour Lyon toutes les 15 minutes en heure de pointe, de faire rouler les premiers TER à partir de 5 ou 6 heures du matin et de les faire terminer à minuit ou 1 heure », précise Thierry Kovacs, président du Syndicat des mobilités des territoires de l’aire métropolitaine lyonnaise (SMTAML) et maire de Vienne. Afin d’entrer dans une réelle logique de RER, la Région pense à développer l’« inter-mobilité » sur le modèle de la carte Oùra : « Cela permettrait de pouvoir utiliser l’ensemble des moyens de transport à un tarif unitaire », rappelle Frédéric Aguilera. « Le bien-être de l’usager doit vraiment rester au cœur de notre réflexion et de notre stratégie. »
Dans la continuité de cette intermodalité, la Métropole compte construire de nouveaux parcs-relais à l’intérieur de l’agglomération lyonnaise. « Nous nous sommes rendu compte que les grands parkings dans la métropole ne fonctionnent pas, c’est pourquoi des parcs plus petits tout au long des lignes du RER nous paraissent plus pertinents », indique Jean-Charles Kohlhaas. À l’heure où la question de la transition écologique devient cruciale, le RER métropolitain permettrait également de « repenser la mobilité », selon Christophe Geourjon : « Pour moi, derrière le RER métropolitain, il y a une réelle logique environnementale. Il faut absolument que le plan mobilité mis en place par la Métropole se construise avec les transports ferroviaires. »
Une vision partagée par la SNCF, pour qui la construction du réseau express régional a déjà commencé. La première phase du projet consiste à réhabiliter les infrastructures actuelles. « Avant de créer des lignes supplémentaires, il faut conforter le service existant », argumente Frédéric Aguilera. La Région, l’État et la SNCF Réseau investissent 300 millions d’euros pour la réhabilitation des infrastructures ferroviaires, mais aussi pour conforter le réseau et éviter qu’il y ait des difficultés lors de la création de sillons ou de voies. C’est la première étape pour la construction du RER. « La création de la voie L, par exemple, à la gare de la Part-Dieu, ou encore l’amélioration de la signalisation entre le secteur de la Part-Dieu et de la Guillotière nous permettent de préparer la venue du RER », illustre Thomas Allary, directeur régional de la SNCF Réseau. La deuxième étape sera l’augmentation du nombre de trains, « mais cela ne pourra pas se faire avant 2025 (date de la fin de l’étape 1 du projet, NDLR), voire 2035 pour certaines lignes ».
La réalisation d’un tel projet demandera du temps mais aussi de l’argent, comme le rappelle Frédéric Aguilera : « On ne crée un maillage en quinze jours. De plus, on parle ici de centaines de millions d’euros. Il faut que nous discutions encore du mode de financement avec les acteurs du dossier. »

Proposition du plan du RER métropolitain par le collectif REM Lyon, fondé par Christophe Geourjon.
Pas avant une quinzaine d’années
Le RER ne verra donc pas le jour avant une quinzaine d’année. La construction se fera plus ou moins vite en fonction du maillage des voies et des sillons, complète Jean-Charles Kohlhaas : « Il y a des lignes où l’ensemble des sillons sont déjà en place – ce sont les travaux “prioritaires” qui débuteront dès 2025. Et d’autres pour lesquelles il faudra pratiquer des travaux d’infrastructure, je pense notamment à Ambérieux, Bourg ou encore Roanne. »
Certaines lignes sont profondément impactées par le fonctionnement de l’Étoile ferroviaire lyonnaise et nécessitent des travaux à plus grande ampleur. « La ligne de Saint-Fons à Grenay, par exemple, où la livraison des sillons pour la construction d’une voie supplémentaire est prévue pour 2035. »
« Dans les zones où les sillons sont déjà présents, on pourra travailler vite, il suffira de rajouter des trains ou d’agrandir les voies », ajoute Thomas Allary. « Mais à d’autres endroits, il faudra carrément ajouter des sillons, cela prendra du temps. Je pense naturellement à la ligne entre Saint-Fons et Grenay, mais aussi à la tranchée entre Part-Dieu et Guillotière. »
Un premier point de blocage a d’ailleurs émergé entre le quartier de Saint-Clair, au nord de Lyon, et la Guillotière, puisqu’il n’y avait plus de sillons disponibles. « Il y a eu un débat public à ce sujet en 2019 », précise Jean-Charles Kohlhaas. « Deux scénarios étaient proposés : créer une voie en sous-terrain ou en aérien. »
Ce qui limite aussi le RER, c’est la faible capacité de la gare de la Part-Dieu, malgré les investissements consentis pour la création de voies. Et cela ne devrait pas s’arranger avec le temps puisque, selon les prévisions de la SNCF Réseau, la fréquentation de l’Étoile ferroviaire lyonnaise devrait augmenter de 25% d’ici à 2030, dont 15% pour la gare de la Part-Dieu, notamment à cause de la concentration des emplois dans la ville.
Même si les planètes semblent s’être alignées pour la création d’un réseau express régional, le chemin est encore long avant sa création…
Julia Blachon