
Un mois après la mise en place de la zone 30 dans l’ensemble de la ville de Lyon, les journalistes de
L’Arrière-Cour
se sont rendues sur le terrain, munies d’un capteur de vitesse afin d’évaluer le respect (ou non) de la limitation à 30 km/h par les automobilistes. Le constat est sans appel : la barre des 30 km/h est très souvent franchie, même par les bus et les agents de la police municipale. Et quand elle ne l’est pas, ce sont les feux tricolores ou les intersections qui l’expliquent. Or, depuis la semaine dernière, les policiers commencent à verbaliser. La zone 30 sera-t-elle plus efficace sur le long terme avec la verbalisation, comme l’affirment les élus de la Ville ? Une enquête de Julia Blachon avec Honorine Soto, illustrée par Zia Bazin.« Cette zone 30 est un coup de comm’ », clame Yann Cucherat (LREM), le représentant du groupe Lyon en commun. Un avis partagé par l’ancien président de la Métropole David Kimelfeld (LREM) et par Christophe Geourjon (UDI). Aux yeux de ce dernier, qui affirme pourtant y être favorable, l’instauration de la zone 30 n’est qu’une « demi-mesure », « d’autant plus si elle n’est pas accompagnée de mesures de contrôle fiable ».
Au-delà de ces déclarations, les journalistes de L’Arrière-Cour ont souhaité voir la réalité du terrain. Deux jours durant, elles ont parcouru les rues de l’ensemble du périmètre de la zone 30, munies d’un capteur de vitesse Bushnell. Dans chaque arrondissement, elles se sont arrêtées en plusieurs lieux stratégiques et ont compté le nombre d’automobilistes roulant à plus de 30 km/h, par tranches de 10 minutes.
Les bus mauvais élèves
Premier constat : cette mesure ne change pas drastiquement le quotidien des Lyonnais, puisque les feux passant au rouge et les intersections dans le centre-ville les poussaient naturellement déjà à ralentir. Dès que les feux sont au vert, en revanche, la limitation de vitesse à 30 km/h n’est absolument pas respectée par une grande majorité des automobilistes. C’est notamment flagrant sur le pont Morand (3e arrondissement), dénué de feux et d’intersections, où 70 voitures sur 80 ont roulé à une allure supérieure à 40 km/h. Même constat dans le secteur Ampère-Victor-Hugo (2e arrondissement), où 20 voitures sur 30 sont passées à une allure comprise entre 35 et 40 km/h. Les seules qui respectaient la limitation à 30 km/h y étaient contraintes par les nombreuses priorités à droite et autres passages piétons.
Pour finir, les plus mauvais élèves restent les conducteurs de bus TCL, qui roulent à une allure moyenne de plus de 40 km/h. Interrogée sur ce po…
int par
L’Arrière-Cour, Samantha Mech, chargée de communication du SYTRAL, justifie le non-respect de la zone 30 par une
« phase pédagogique et de sensibilisation » instaurée par la Ville de Lyon :
« Le passage progressif de 50 à 30 km/h s’accompagne d’une communication pédagogique, d’instructions et d’un accompagnement managérial de proximité. La phase de sensibilisation étant terminée, tous les véhicules ne respectant pas la mesure pourront se voir verbaliser.
En outre, tous les agents reçoivent, en plus des formations “classiques” inhérentes au métier de la conduite, des modules complémentaires relatifs au partage de l’espace public. S’il le faut, nous ajusterons ces modules. »La police municipale n’était, elle non plus, guère assidue en matière de limitations de vitesse. Durant ces deux journées, nos journalistes ont croisé deux voitures de policiers qui roulaient à plus de 35 km/h… alors qu’ils sont bien sûr censés montrer l’exemple.
Qu’en disent les élus écologistes ?
Pour Valentin Lungenstrass (EELV), adjoint au maire à la mobilité, à la logistique urbaine et aux espaces urbains, la zone 30 est malgré tout « plutôt bien respectée », nous a-t-il déclaré, « même si nous n’avons pas encore assez de recul pour pouvoir nous prononcer sur cela ». Le non-respect de certains automobilistes est dû, selon lui, à la phase de contrôle qui se veut « pédagogique » et non « sanctionnante » dans un premier temps. « Nous ne sommes pas encore dans la verbalisation : nous nous sommes laissés un mois pour expliquer aux automobilistes en quoi consistait la zone 30. À partir du 30 avril, cependant, nous allons commencer à verbaliser. »
Depuis le 30 mars, la municipalité note plus de 2.400 verbalisations « pédagogiques » effectuées par les policiers municipaux. « Les contrôles ont pour le moment donné lieu à des discussions et à des distributions de flyers pour rappeler en quoi consistait la zone 30 », indique l’élu. Des radars pédagogiques sont également prévus pour le début du mois de mai, alors qu’ils étaient attendus dès le début du mois d’avril. « Ils permettront de faire un premier benchmark sur les axes à prioriser en termes de contrôle », souligne Valentin Lungenstrass. « Il y aura une vingtaine de radars pédagogiques tournants, car à partir du moment où ils sont connus, ils ont beaucoup d’impact, c’est bien connu. »
Pour Frédérique Bienvenüe, présidente de l’association Ma ville à vélo, la zone 30 n’est pas suffisante, faute d’une réelle campagne de mobilisation. « Nous attendons de la municipalité de vraies mesures, en termes d’infrastructures notamment. Des aménagements qui permettraient de réduire la chaussée, par exemple. » Sur ce sujet, l’adjoint a tenu à se défendre… tout en restant vague : « Nous travaillons sur les infrastructures tout au long de l’année, même en dehors de la zone 30. Nous étudierons toutes les possibilités. »
Quid de la piétonnisation ?
La prochaine mesure des écologistes pour apaiser le centre-ville sera bien sûr sa piétonnisation. Mais là encore, la Ville de Lyon semble rétropédaler et annoncer une « demi-mesure ». En effet, plutôt que de porter une piétonnisation totale de la Presqu’île, du boulevard de la Croix-Rousse à la place Carnot et à Perrache – comme prévu dans le programme électoral –, c’est un projet d’« apaisement » du centre-ville qui va être étudié. « Au départ, l’exécutif avait exprimé son souhait de piétonniser l’ensemble du centre-ville ; maintenant, il semble vouloir congestionner l’ensemble du centre-ville », se moque Yann Cucherat. « On parle de piétonnisation mais qu’est-ce qui se passe réellement aujourd’hui en termes de piétonnisation, mis à part des concertations ? Rien. C’est bien beau de se cacher derrière des concertations, mais pour moi, savoir prendre des décisions relève aussi de la fonction de maire. »
Même son de cloche chez Pierre Rauzada, président de l’association Les Droits du piéton à Lyon, qui estime que le processus ne va pas assez vite et manque d’ambition. « On est déçus, il y a même une petite colère parce que c’était un projet annoncé lors des élections », regrette-t-il dans l’émission Les Coulisses du Grand Lyon. « Et ce projet, il est mort, il n’y aura pas de piétonnisation de la Presqu’île. » Pierre Rauzada s’interroge même sur le sens du nouveau terme employé : « La question que l’on se pose, c’est : qu’est-ce qu’on apaise ? La Presqu’île est en zone 30 depuis l’ancienne mandature. On va apaiser une zone 30, ça veut dire quoi ? »
Quelques semaines après l’émission, le constat est le même. Pierre Rauzada n’a toujours pas eu de retour de la part de Valentin Lungenstrass pour évoquer le sujet de la piétonnisation. « J’ai rendez-vous avec Jean-Christian Morin (adjoint du 1er arrondissement à la mobilité, à la propreté, à la tranquillité et à la sécurité, NDLR), en fin de semaine, pour évoquer entre autres le sujet de la piétonnisation, mais je n’ai toujours pas de nouvelle de la Ville de Lyon. »
Pour Valentin Lungenstrass, il n’y a pas encore lieu de s’exprimer à ce sujet puisque rien n’est défini avant la fin de la concertation, prévue pour le mois d’octobre.
Julia Blachon