chaud « façon restaurant » : mitonné de lotte, gambas, mulet et moules, méli-mélo de légumes de saison et jus crémé au caviar (17 euros par personne).
Fromages :
On vous reparlera bientôt du projet de la maison Mons qui travaille, à partir du lait de ses propres vaches, sur des recettes originales de fromage.

Desserts :
Vous n’aurez aucun mal à trouver une bonne bûche à Lyon mais, pour changer un peu, jetez un œil sur les merveilles glacées d’Unico. Un panettone glacé à glisser au four pour un chaud/froid final, par exemple (photo ci-dessous). Ou le Rocher (en édition limitée), exceptionnel.
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Trois vies de chef en temps de pandémie
Nous nous sommes entretenus avec trois restaurateurs pour parler de la période particulière qu’ils traversent, faite de confinements et de couvre-feux : Benoît Pichot et Clément Morelle (brasserie Clos Jouve, Lyon 4), Xavier Radojewski (Ravigote, Lyon 3) et Frédéric d’Ambrosio (Balthaz’art, Lyon 1). Trois restaurants de tailles à peu près égales, qui élaborent une carte réduite de produits rigoureusement sélectionnés, où l’on mange très bien et avec un rapport qualité/prix irréprochable.
Balthaz’art régale sur les pentes de la Croix-Rousse depuis 13 ans. La maison est reconnue par les guides nationaux et les habitués pour son ambiance chaleureuse et la créativité réconfortante de sa carte. Ravigote officie depuis quatre ans du côté de la place Guichard et s’est taillé dans le quartier et la ville une réputation méritée de cuisine à forte personnalité, inventive. Le Clos Jouve, l’emblématique brasserie de la Croix-Rousse, a rouvert ses portes après travaux en septembre 2020 dans un esprit toujours croix-roussien en harmonie avec l’intelligence de son temps. Carte réduite, excellents produits, chef talentueux au (vrai) tarif bistro, y compris côté boisson.
Nous les avons interviewés dans des restaurants vides, chaises retournées sur les tables. Loin de se laisser abattre, ils inventent des solutions pour ne pas perdre le lien avec leurs clients et avec leur métier. Ils partent dans la « course à la survie » avec des trésoreries inégales, des clientèles très différentes, dans des quartiers qui ont chacun leur particularité. Et font évoluer l’offre en mode « confinement » comme une continuité de la proposition initiale, mais toujours avec créativité.

« On veut un endroit qui vive, où les gens sont contents, où l’on met de la musique, où ça parle fort ! Et là, on est fermés… » (Clos Jouve)
Benoît Pichot et Clément Morelle se sont rencontrés durant leur CAP cuisine. Avant cela, l’un travaillait dans un magasin de golf, l’autre dans un cabinet de recrutement. Au cours d’un stage, Benoît rencontre Alex Burnotte, alors chef du Konditori rue Paul-Bert (Lyon 3). Ils s’associent et reprennent le Clos Jouve, un des derniers bistros authentiques de la Croix-Rousse, avec la ferme intention de gagner en qualité sans dénaturer. Pari réussi.
« J’apprécie les endroits où tu peux boire une bonne bière et où l’on offre le sirop pour les gosses », confie Benoît. « Aujourd’hui, si tu veux manger pour moins de 20 euros avec un verre de vin, un plat qui tienne la route et un dessert maison, c’est compliqué. Nous réfléchissons au prix le plus juste pour le client au regard de ce que l’on sert. On voulait combiner un endroit de quartier où tu es reçu sans chichi et dans lequel tu peux manger sainement, avec de bons produits locaux. »
Les gens avaient peur que « leur » bistro de quartier change de visage, soulignent-ils. « Notre grande fierté, c’est que les anciens clients sont revenus et qu’on nous dise que l’on n’a pas cassé l’esprit. À la Croix-Rousse, ce décalage dans les reprises est fréquent. Sans dire qu’on est populaires, on est un lieu où se côtoient les ouvriers couverts de plâtre, les mamans du quartier, les cravatés… Ce brassage est sympa. »
La réouverture s’est faite sous de bons auspices et l’équipe allait s’agrandir mais le trio a dû faire face au couvre-feu, puis au confinement. « On a travaillé six semaines depuis l’ouverture. On a tout de suite décidé de rester ouverts, en proposant deux plats du jour à emporter. On garde aussi notre fameuse saucisse de Toulouse purée, au même prix que le plat du jour. En temps normal, on est six ; à présent, on vient à trois… mais on pourrait être deux. Financièrement, ça fond comme neige au soleil ! On travaille, on fait un peu de chiffre mais cela n’a rien à voir avec ce que l’on faisait avant. Les aides, on les demande, on devrait y avoir droit. On a demandé une ristourne sur le loyer mais rien n’est sûr. On étale les charges. Psychologiquement, c’est dur. Déjà, avant qu’on ferme, cela nous embêtait de “faire la police” auprès des gens. On veut un endroit qui vive, où les gens sont contents, où l’on met de la musique, où ça parle fort ! Et là, on est fermés… La réouverture ne sera pas facile à gérer. »

« En leur transmettant cet optimisme, les clients repartent redynamisés. Et moi aussi, d’ailleurs. » (Balthaz’art)
Frédéric d’Ambrosio relativise, lui qui a ouvert le Balthaz’art rue des Pierres-Plantées voici 13 ans et deux autres lieux, Les Boulistes et Le Gárri, avec son épouse, Anaïs Fourignon. Après avoir proposé ses plats à emporter sans grand succès, il s’est tourné vers des plats mijotés, uniquement le week-end et sur commande. Devant la réussite de cette formule, il a fait revenir son équipe pour concevoir un menu de fêtes qui tire parti des expérimentations du confinement.
« Pour le plat chaud, on s’est focalisés sur un poisson. Les gens le cuisinent peu ou ne savent pas le cuisiner chez eux. Pour une viande, faire un sauté et le laisser mijoter, c’est plus facile. Pour le poisson, je ne mettrai pas 250 g par personne car il y aurait du gaspillage. Comme c’est la fête, il faut que les gens aient le plaisir de la cuisine. Qu’ils se disent : “Je vais mettre ça sous le grill deux minutes, ma sauce est dans une casserole, mes légumes dans une autre. Je prends une assiette creuse, je dresse et tac-tac-tac, trois zestes de citron, peluches d’herbes, afin que les convives se disent waouh, que c’est beau !” »
Il a fermé deux de ses trois restaurants pour ne laisser ouvert que le Balthaz’art. « Notre carte change toutes les trois semaines. J’œuvre en principe avec une équipe, un second et une pâtissière, on peut donc évoluer selon nos goûts, nos envies et les saisons. Là, ils sont en chômage partiel : il est compliqué de mettre une dynamique en place quand on est tout seul. Les week-ends de novembre, c’était plus traditionnel, plus facile à faire seul, même si c’est du boulot. Le bourguignon, la blanquette, ce sont des plats qui rassurent les gens… Dans des périodes troublées, cela permet de revenir aux bases. Les gens étaient super-contents ! Je leur ajoute un petit mot qui explique comment remettre en température. Et cela permet de garder un lien. Je reste optimiste : je ne suis pas allongé à l’hôpital avec des tuyaux dans le ventre. Et lorsque je leur transmets cet optimisme, les clients repartent dynamisés. Et moi aussi, d’ailleurs. »
Les aides sont calculées à partir du chiffre d’affaires des années précédentes. « Pour ceux qui viennent d’ouvrir, c’est la catastrophe, je ne sais pas comment ils font. Ils ont intérêt à avoir les reins solides. Nous, on a une trésorerie, heureusement. L’offre à emporter, c’est pour garder le lien, et cela paie le crédit et le loyer. On est persuadés qu’on n’ouvrira pas le 20 janvier. Je suis partisan de dire qu’on traite une fois pour toutes cette maladie car, sinon, cela va faire comme les lames de rasoir : c’est la troisième qui coupe le plus. Ça va couper des têtes ! Je pense aux vignerons, aux éleveurs, aux cultivateurs… Toute la sphère gastronomique est arrêtée. »

« Dans ma tête, j’ai une banque de données de trucs que j’ai vus, mangés à droite ou à gauche, et je fais ma popote. » (Ravigote)
Déco léchée, précision des assaisonnements, modernité indéniable et respect du produit et du métier qu’il tient des cuisiniers qui l’inspirent : Xavier Radojewski est un chef qu’on a envie de suivre et de voir évoluer. Lui aussi peu convaincu par le fait de vendre ses plats à emporter, il a su tirer parti de son Annexe de vente de sandwichs à emporter pour élargir une offre street-food que nous goûtions au Chalet il y a quelques jours.
« On n’a pas arrêté depuis le confinement », indique-t-il. « On a essayé des paniers et des légumes en vrac, ça marchouillait… Là, on a décidé de rester ouverts car on faisait déjà de la vente à emporter. Je ne voulais pas du trio “entrée, plat, dessert”. Tu chauffes tout pour deux couverts, tu vas tout refroidir et finalement tout réchauffer… Donc on fait des hamburgers, des hotdogs de poulpe, des pitas d’agneau, le tout maison, et on reste là-dessus. Je suis tout seul, j’ai beaucoup de boulot mais on ne pouvait pas fermer une deuxième fois, car on a des charges à payer. »
Le pain est moelleux, les herbes fraîches très présentes, l’acide et le fermenté des pickles se marient à la douceur de la betterave. Mais d’où vient ce vent de fraîcheur sur Lyon ? « J’ai un parcours classique dans la cuisine avec une mention spéciale “dessert de restaurant”, qui n’est pas de la pâtisserie boutique. J’ai réalisé des desserts à l’assiette au Sofitel à Lyon, c’est pour cela que je suis arrivé ici. J’ai fait de la collectivité, du bistro, des saisons à la montagne, des restaurants végétariens… »
Si Xavier Radojewski n’est pas un autodidacte, il n’a pas eu pour autant de mentor. « C’est une cuisine de feeling. Dans ma tête, j’ai une banque de données de trucs que j’ai vus, mangés à droite ou à gauche, et je fais ma popote. Il y a quatre ans, je ne savais pas du tout où j’allais. On a ouvert ici sans prétention, on s’est accrochés car le quartier d’affaires représentait un bon compromis. Je me suis lancé avec ma femme en salle et mon beau-frère. L’identité s’est donc forgée avec l’équipe. On cherche des petits producteurs, on travaille en direct. L’idée est de déployer une cuisine fraîche, deux plats, deux entrées, deux desserts, c’est tout. Je voulais mettre des pickles un peu partout, c’est vraiment mon truc et je continue à le développer. »
Ce n’est donc pas un hasard si Ravigote a failli s’appeler Pickles. « Je soupçonne ma femme ou un pote d’avoir fait un faux compte Facebook pour annoncer l’ouverture d’un restaurant du même nom ! Ici on est à Lyon, la tête de veau ça veut dire plein de choses : on met de la sauce ravigote sur la table quand les gens arrivent. Ça résume bien l’esprit du lieu. »
Crédits photos : Unico, @wolfstreetphotography, Ravigote. Aquarelle signée Aksel Kaptan.